Pierre -Jakez Hélias
Pierre - Jakez Hélias voit le jour à Pouldreuzic, petite commune finistèroise, en 1914, à une époque où la Bretagne vit "recroquevillée" au coeur de ses valeurs. C'est du moins le cas pour une bonne partie de la population : A cette époque, il y a "les rouges", républicains et laïcs, partisans de l'éducation ; cette dernière étant payante ; et il y a les "blancs", les plus religieux et partisans du conservatisme, qui dispense un enseignement gratuit. En autres termes, "les têtes rouges et les culs blancs" comme on se plaisait à les appeler", ce qui rendait la situation politico-sociale particulièrement tendue, et causait de multiples affrontements. Mais aux yeux de Pierre - Jakez Hélias, ce sont avant tout des paysans qui travaillent ensemble à construire le quotidien le mieux possible : qu'ils soient " rouges" ou " blanc", ils partagent les mêmes champs, les mêmes fêtes, en un mot un même art de vivre; ils sont bretons et fiers de l'être. Ils aiment tous cette mère patrie, qu'ils défendraient au péril de leur vie.
Aussi, si d'un côté le petit Pierre accompagne ses parents à la messe et va au catéchisme : en ce temps-là, il serait bien inconvenant de décevoir ses parents ; il ressent néanmoins, pour les livres, une attirance certaine, ce qui lui vaut d'excellents résultats scolaires malgré la situation de pauvreté dont témoignent généralement les gens de la campagne. En outre, il bénéficie très tôt d' une autre richesse incomparable: bercé par les récits et les légendes dont l'entoure son grand-père avec une tendresse infinie, Pierre voit dans la culture bretonne une issue authentique, et pleine de rebondissements à ce chaos politique, qui ose mettre en lumière la nature controversée et souvent critiquée, voir incomprise, des Bretons. C'est cette influence, issue à la fois d'un mode de vie, de croyances ancestrales, et d'une histoire propre à chacun qui sera, en grande partie, à l'origine de ses œuvres et qui en constitue la trame.
En ce temps-là, on s'exprime en breton au sein des familles, mais en français à l'école... c'est obligatoire sous peine de punitions sévères... Ordre des républicains ! Si, apprendre la langue française se révèle vite etre un supplice pour les écoliers, Petit-Pierre qui aime apprendre est admis au Lycée de Quimper où il obtient avec brio son baccalauréat à l'âge de 18 ans. Il poursuit alors des études en Lettres supérieures qui lui font découvrir entr' autres des auteurs bretons comme François-de-Marie Luzel, Anatole Le-Braz, ou Saint-Pol Roux : un poète de Camaret. A la faculté de Rennes, il poursuit dans cette voie et obtient une licence en lettres classiques. Cet élan lui fait rencontrer Max Jacob et Louis Guilloux, un romancier Briochin de l'après-guerre. Nanti de ses excellents résultats, il devient professeur au lycée de Fougères (35) pendant la grande guerre. C'est alors que s'éveille en lui l'envie d'écrire, de transmettre et de revendiquer sa culture bretonne.
En 1945, il écrit, en breton et en français, ses premières pièces de théâtres et aussi quelques contes, avant de rejoindre la rédaction du magazine Vent d'Ouest. L'année suivante, de retour en Finistère, ses rencontres lui intiment une mission : co-fonder le festival de Cornouaille à Quimper. Ses études lui ont forgé une conviction certaine, (qu'il n'acceptera cependant que bien des années plus tard) : La langue bretonne ne pourra survivre qu'en complément des institutions Françaises. Parler, écrire et enseigner les deux langues est donc la solution au problème local, et cela a le don de satisfaire tout le monde. Professeur à l'école normale de garçons de Quimper, il enseignera pendant plus de 30 ans la littérature française et bretonne. Ses efforts seront couronnés de succès en 1975 par l'obtention du grade d'Abrégé de lettres. C'est au cours de cette même année que naît son oeuvre majeure : le cheval d'Orgueil, dans laquelle l'écrivain décrit avec une force et une conviction sans égale la vie, les traditions, et les turpitudes de la bretagne paysanne au pays bigouden, dans le premier quart du siècle dernier. Au fil de ses 600 pages, l'ouvrage constitue, selon les critiques de l'époque, " la plus belle oeuvre jamais écrite sur la Bretagne". je l'ai lu, et je confirme! c'est authentique et à lire absolument pour qui aime la Bretagne! c'est aussi un vibrant hommage à la connaissance sans faille d'un breton dans l'âme qui n'est autre que son grand-père : Alain Le-Goff.
Un événement survint pourtant : le succès du "cheval d'orgueil" est victime de son succès ! Par l'entremise de Xavier Grall, fou de jalousie, qui fait paraitre un "essai" de son cru : " le cheval couché" : critique de la vision bretonne de Pierre-Jakez Hélias. Selon Xavier Grall, Pierre-Jakez-Hélias aurait trahi la langue bretonne en enseignant la langue française... grave erreur! comme expliqué plus haut: Le bilinguisme était et est encore aujourd'hui la solution ! Néanmoins, ce sursaut d'incompréhension conduit les deux antagonistes à un débat public dans l'émission littéraire " Apostrophe", qui, au final, mettra en lumière les véritables intentions de l'auteur. Et pour preuve, on s'arrache encore aujourd'hui, en 2022, dans les médiathèques, l' "orgueilleux cheval" qui fait la fierté des Breizhiz (Bretons).
Cette première victoire sera, pour Pierre-Jakez-Hélias, plus qu'une dynamique, le fil conducteur de ces futures publications. En 1977, il rédige, toujours en hommage à ses grands-pères : " Les autres et les miens" qui raconte l'histoire de ces deux artisans "conteurs de merveilles" (selon les propres mots de l'auteur), dont la sagesse était capable de redonner à la vérité, sa couleur d'origine.
Pierre-Jakez Hélias meurt le 15 aout 1995, peu de temps après la publication du "Queteur de mémoire" qui, telle une flamme commémorative sur la rivière des souvenirs, semble graver d'une emprunte d'éternité la totalité de sa contribution à la cuture bretonne.
A visiter :
La maison natale de Pierre Jakez Hélias, maison traditionnelle Bigoudenne a été reconstituée. C'est aujourd'hui un musée consacré à l'écrivain breton et à son oeuvre. Sont aussi exposées des machines anciennes et autres objets de tradition rurale jusqu'aux années 1960.
L'école de la commune de Pouldreuzic porte également le nom de Pierre-Jakez Hélias
Petit tour d'horizon de son oeuvre :
Pierre-Jakez Hélias est un auteur complet : un jour poète, un autre jour dramaturge, romancier à ses heures, il devient chroniqueur quand le besoin s'en fait sentir. Puis il revient à l'éthographie, rédigeant lui-même ses traductions breton-français, ses lexiques ou encore des pamphlets. Il lui arrive même de faire tout cela en même temps. En un mot, c'est un passionné !
° Homme de théâtre :
C'est au théâtre du Bataclan, à Paris que l'écrivain trouve sa vocation théâtrale. De retour en Bretagne, il poursuit son apprentissage dans des cours d'art dramatique à Rennes en 1942. En tant que Co-fondateur du Festival de Cornouailles, il écrit ses premières pièces avec l'intention de les inclure dans le programme du festival. Son œuvre théâtrale est aujourd'hui regroupée dans 2 volumes de 350 pages, aux éditions Galilée.
Les pièces retracent essentiellement les drames de la vie rurale :
* le tracteur, le grand valet, la femme de paille etc.
ou des épisodes issus de la mythologie bretonne :
* le roi Kado, le Jeu de Gradlon, ou encore une version revue et corrigée plus positive de Tristan et Iseut.
° Responsable des émissions en langue bretonne :
Avec son ami Pierre Trépos, il écrit en breton pour la radio quantité de sketchs regroupés sous le nom de " Jakez kroc'hen et Gwilhiou Vihan " Les deux rôles ont par la suite été repris par d'autres acteurs plus récents
° Romancier :
Son goût pour le roman ne se fait sentir qu'à l'age de 68 ans.
Le plus souvent basés sur les moeurs de personnages existants, les oeuvres révèlent le contexte social et historique de l'époque, les viscicitudes de la vie paysane ou citadine, ou encore la vie du marin parti pour sa campagne de pêche, le tout replacé dans un cadre naturel et authentique pour mieux se soucier du moment présent.
* La colline des solitudes : une histoire qui défie le temps : dans la sollitude d'un village des monts d'Arrée, un ancien roi revient pour réveiller des secrets enfouis depuis la nuit des temps. Le village renait et retrouve une seconde vie, attirant même les familles et leurs descendants...
* Vent de soleil : l'histoire d'un aventurier qui parcours le monde, et de chaque moment présent qui ne veut laisser aucune trace dans le futur sinon la quete d'une aventure intérieure...
* La nuit singulière : échange d'histoires insolites au cours d'une veillée...
* Le diable à quatre : 25 ans après, un personnage peu recommandable revient dans le village de son enfance, l'heure des rêglements de compte a sonné...
* L'herbe d'or : l'équipage d'un châlutier de peche est bloqué pendant quatre jours dans une brume épaisse ...
° Poète :
Les quatre recueils bilingues de poésie de l'auteur (manoir secret, La pierre noire, Clair obscur, et le passe-vie) sont aujourd'hui reliés en un seul volume de 540 par, par les bons soins d'Ouest-France, puis aux éditions Lambert-Lucas, à Limoges.
Les thèmes
* Faire revivre la Bretagne ancienne et les ancêtres
* Les vieux villages oubliés et les métiers d'antan
* Chansons anciennes
* Exercices de style / jeux de diction
* Reconnaissance au monde Celte
* L'art de la musique fait passer les méssages... et rassemble les peuples divisés
* Histoire/civilisation et traditions
* Photographies anciennes
* L'engagement pour vaincre l'engoisse
* Le retour aux sources et le retour sur soi
* Tomber les masques pour montrer son authenticité
* Anecdotes
° Croniqueur :
* " Le Cheval d'Orgueil " est l'œuvre majeure qui ouvre pour l'auteur la voie du succès. " C'est la défense, l'authenticité, et l'illustration parfaite de la culture bretonne qui manque au combat des autres auteurs. " disent les critiques de l'époque. Parallèlement, s'éveille doucement, mais sûrement, le monde de la musique bretonne : les festoù-noz (et deizh) sont courants, les chansons bien ciblées... voir anti-françaises. Le Cheval d'Orgueil porte en lui l'emprunte encore bien vivante du monde rural et revendique haut et fort son identité (d'où le nom de "cheval d'orgueil"). L'histoire contient de nombreuses anecdotes familiales et autres descriptions d'un climat social divisé. Le livre fournit aussi un documentaire détaillé sur les traditions bretonnes comme le travail du sabotier, les jeux à l'école dans la cour de récréation, la barrière linguistique, les fêtes locales culturelles et religieuses, les traditions culinaires, et tant d'autres encore... le tout "métissé" à la sauce bretonne, même si le livre est en français. " C'est le miel des ethnologues" précise Pascal Ranou dans son ouvrage "Pierre-Jakez Hélias, l'homme et l'oeuvre."
* Le quêteur de mémoire : raconte l'histoire d'un homme souvent critiqué qui, sur la défensive, justifie son propos et son action.
* Les autres et les miens : A travers des contes, l'auteur présente le pays bigouden et met en valeur, entre autres, le majestueux travail des brodeurs.
* Midi à ma porte : réunis les préfaces, études, et chroniques de 40 ans d'écriture.
* Le piéton de Quimper : ce livre ressemble à une esquisse sur laquelle PJH fait revivre le "poète disparu" rencontré à Quimper dans les années 30 avec force témoignages sur le climat social de l'époque... est-ce autobiographique ? L'histoire ne le précise pas. La critique le qualifie de " Témoignage sincère et balade littéraire plaisante".
Ouvrages touristiques:
* Quimper en Cornouaille
* Bretagne aux légendes
° Oeuvres ethnographiques :
* Coiffes de Bretagne
* Traditions bretonnes
* Logis et ménage
* Chansons bretonnes
° Contes et légendes :
* Contes bretons du pays Bigouden
° Farces radiographiques :
* Biskoazh kemend-all
Pour finir, voici quelques citations tirées du cheval d'orgueil : " Les pions, qui sont aussi bretonnants que nous, nous ont toujours punis, nous les bretonnants, pas les autres. ... nous étions pourchassés dans tous les coins, ils étaient là, les oreilles à l'affût des phrases bretonnantes qui auraient pu nous échapper"
" Il est interdit de cracher par terre et de jurer en breton."
Ils disent : " L'instruction est le seul droit qui ne se lègue pas de père en fils."Mais l'école de la vie, si!
" Parce qu'un gars du gouvernement l'a voulu ainsi, l'école nous a inculqué le mépris de notre langue."
C'est bien plus tard qu'il prend conscience que le bilinguisme est la solution. Aussi, précise-t-il, non sans amertume " qu'une bonne connaissance du Français permet de s'élever au-dessus de sa condition de domestique. "
Résigné, il dit encore que : " sans la langue française, il serait impossible de s'assurer un gagne-pain" Nous savons aujourd'hui que c'est faux.
" On se sent résolument en porte-à-faux, et doublement éxilé dans notre propre communauté, le breton étant interdit, et le Français contraignant et difficile à apprendre" .... la " vache" ou le " bonnet d'âne " était au bout du tunnel pour les plus faibles, voir même des punitions corporelles.
" Il y a des trésors latents qui n'ont pas pu sortir. La culture française ne me convient pas, la mienne ne peut pas germer."
Et bien qu'il se rassure! de là où il est, la culture bretonne a quand-mème germé ! En témoignent les 50 écoles diwan bilingues, les nombreuses publications littéraires et la presse en breton, ainsi que les associations et confédérations de culture bretonnes qui s'étalent dans toute la France.
Eus ar c'hentañ Perig, gounit a raes ! (Bravo, Pierre, tu as gagné!)
Ajouter un commentaire