Marée observée, vie protégée : le SHOM

" Dans les profondeurs de la mer, sous la muraille de l'eau vivante, est un havre de grâce. Le marin, boussole perdue, bateau éventré sur la dent d'écueils engloutis, coule au fond, docile au jeu des courants. Les yeux grands ouverts, il regarde se lever l'image d'un grand port fantôme dans les profondeurs de la mer... " Pierre Jackez Helias : L'île des morts-vivants."

Repérages et conscience : 

400 ans avant JC, les premiers explorateurs et astrophysiciens établissent des liens entre les marées et les mouvements de la lune, qui seraient à l'origine de la formation des vagues, du flux et du reflux de la marée, et du ressac contre les rochers. Ces hypothèses donnent aux navigateurs une première idée de la théorie du marnage, ou amplitude des marées (différence entre marée haute et marée basse, quand l'eau est réchauffée par le soleil ou refroidis par la lune). 

Quelque vingt siècles plus tard, Newton nous livre sa théorie de la gravitation : « la force d'attraction sur les océans dépend des alignements de la lune, du soleil et de la terre dans l'espace" Aujourd'hui, l'ami Google est fidèle au poste pour préciser que: « Les marées sont liées à l'attraction du soleil, mais surtout à l'attraction de la lune.  Quand la lune bouge, le bourrelet d'eau suit la lune. Et quand la lune et le soleil sont alignés, l'attraction est alors bien plus forte, donc les marées le sont aussi. »

Importer la mer pour tous,  un peu d'histoire :

les premiers documents nautiques datent de 1500 ap JC quand une équipe de navigateurs et de dessinateurs Dieppois établissent, à l'intention de la Royale, les premières cartes marines françaises. En 1615, Jean Guérard reçoit, de l'Amiral de France Henry de Montmorency, une nomination officiel de professeur d'Hydrographie (étude des cours d'eau et de la mer ) . Il fonde son école d'Hydrographie à Dieppe. Le succès de cette initiative l'amène à diriger les différents établissements similaires, dans les principaux ports du Royaume créés par Colbert en 1661. Un premier atlas de cartes nautiques voit le jour : le Neptune-François dans lequel sont dessinées ou gravées des cartes à main levée sur l'ordre du roi. 

Un siècle plus tard, en 1720, est créé le Dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine, qui a pour vocation de décrire l'océan au grand large comme sur le littoral, et de développer le monde maritime. Vingt ans plus tard, le premier brevet d'ingénieur en hydrographie est attribué à Jacques Nicolas Bellin (cartographe hydrographe et encyclopédiste français).

En 1814 :  Le corps des ingénieurs hydrographes de la Marine est formé par Charles François Beautemps, Beaupré, dit le "père de l’hydrographie moderne ». Il est membre de l'Académie des sciences et du Bureau des longitudes. Sous son influence, le Dépôt des cartes et plans de la marine qui couvre alors toutes les côtes françaises devient  le « dépôt général de la marine ». Ainsi, 18.000 ouvrages sont répertoriés, sous la direction d'Antoine-Marie Chazallon, qui met en place un réseau de marégraphes dans les ports, en vue de constituer le 1er annuaire des marées. Les premiers manuels d'instruction nautique datent aussi de cette époque. En 1880, la marine dispose de plus de 1000 cartes originales à utiliser sur l'ensemble du réseau français: le SHM (service hydrographique de la marine, rattaché à l'état-major).

Le XXe siècle :

la révolution industrielle et le progrès qui en découle ajoute la technologie à l'artisanal. En 1950, l'impression offset succède aux planches gravées, et le sondeur à ultra-sons remplace le plomb de sonde. Les premières cartes en couleur datent de 1970. Au cours de cette même année, le SHM trouve son appellation définitive : Le service hydrographique océanographique de la marine: Le shom, dont l'un des bâtiments principaux s'établit à Brest. 

Vingt ans plus tard, en 1990, le SHOM s'enrichit d'un centre militaire océanographique (CMO). L'objectif est de fournir aux forces navales une connaissance satisfaisante de l'océan : étudier les sédiments et les eaux, mesurer et étudier la pesanteur, connaitre le magnétisme et l'acoustique marine. 

Les années 2000, à Brest :  Le siège social

Un joli bâtiment blanc en arc de cercle, prévu pour 2023, est en phase de construction. Plus adapté aux nouvelles technologies, il sera conçu pour répondre aux besoins d'une mission à long terme. Sondeurs multifaisceaux, satellites artificiels, imagerie spatiale, cartes électroniques... ne seront que quelques-uns des moyens utilisés pour prévenir les accidents en mer, et utiliser les énergies marines du futur tout en protégeant l'environnement. Une autre prouesse technique qui a fait ses preuves dans les années 70 est le lidar. A la différence du radar qui utilise des ondes radio, ou du sonar qui fonctionne avec des ondes acoustiques, le litar aéroporté utilise la lumière infra-rouge ou les ultra-violets : cet appareil à ondes-laser sert à faire des relevés topographiques sur de grandes zones contrastées ou difficiles d’accès aux autres technologies. Un avion se trouvant sur place emporte les données.

Des tâches nobles et utiles : 

Un réseau de 50 marégraphes disséminés dans toute la France se consacre aujourd'hui à la noble tache de l'observation de la mer.

° mesurer et estimer la profondeur des eaux et étudier les courants 

° acquérir l'ensemble des données depuis le port de Brest (le Ghoa) :

° intervenir sur l'ensemble des bâtiments hydrographiques y compris l'Ifrémer (institut français de recherche pour l'exploitation de la mer)

° Collecter des données dans les territoires du pacifique (Polynésie Française, Nouvelle Calédonie) en vue d'assurer la sécurité de la navigation sur ces territoires. (GOP)

Depuis 2007, le shom est placé sous la tutelle du ministère de la Défense, pour qui il :  

° fournit des produits et des logiciels de prévention et d'exploitation des données, dans le cadre d'exercices et d'opérations d'envergure

° acquiert des données dans des zones peu connues

° fournit des expertises spécifiques nécessaires à la préparation des programmes d'armement (bateaux, hélicoptères etc.) 

Aide à la navigation :

° Il fournit tous les documents nécessaires à la sécurité de la navigation dans les espaces maritimes français. Pour celà, Il dispose d'un catalogue de cartes papiers et électroniques qui précisent toutes les instructions nautiques, livres des feux, guides du navigateur.

° Il permet aux usagers de faire remonter l'information d'éventuelles anomalies à l'aide du service : Infonaut.

Aide au ministère de la marine :

° Le shom communique et échange avec la DAM (direction des affaires maritimes)

° Réalise des projets communs au SHOM et à l'Institut géographique national permettant de parvenir à une description en 3 dimensions du littoral, qui contribue à l'aménagement du territoire, notamment grâce à la technologie lidar (Litto 3d) 

° fabrique des maquettes destinées à étudier les changements climatiques comme suivre le mouvement des particules d'eau

° étudie les changements dans les fonds marins comme les « bruits sous marins »

° travaille à la réduction des risques pouvant être provoqués par les éoliennes en mer sur l'environnement 

° soutient les acteurs de l' Economie bleue en aidant les chantiers navals, et en exportant des navires océanographiques.

° Crée des espaces de diffusion de l'information sur des portails internet

° Propose aussi des formations. Une école est basée à Brest.
 

Pourquoi étudie t'on les marées :

° Pour apporter une plus grande sécurité à la navigation

° les données obtenues sont utiles pour le développement des énergies renouvelables : Hydroliennes : (utilisation des courants océaniques ou des marées pour produire de l'électricité)

° Pour guider l'aménagement du littoral

° Pour guider météo-France dans le dispositif «  vigilance vagues immersion »

En France le Shom est implanté à Brest (siège social), Toulouse, Saint-Mandé, Nouméa, Papeete

Comment le shom observe t'il les marées :

Dans le passé, la hauteur de l'eau était sondée avec un fil à plomb depuis le bateau. Il y avait des échelles à marée dans les ports (certains en possèdent encore.), puis les informations étaient reportées dans les registres. 

Aujourd'hui ; près des quais, ces marégraphes (sondes ou échelles) sont souvent placés sous l'eau. Le cas échéant, des satellites peuvent également jouer ce rôle. Le plus ancien marégraphe au monde se trouve à Brest depuis 1806. En Bretagne, les reliefs des côtes déterminent l'amplitude des marées. « Plus les flux et reflux sont fréquents, plus les côtes sont découpées, et créent des caps, des goulets (bras de mer reliant le port à l'océan) ; ce qui détermine une variation des marées contrastées. Dans un goulet, la marée s'engouffre et crée des marnages de fort coefficients (de 10 à 15 mètres de différence entre marée haute et marée basse) précise Gwenaëlle Jan (ingénieur en recherche au shom, à Brest, et spécialiste des marées) lors d'une interview pour Bretagne Magazine. 

Lire une carte marine :

les cartes marines contiennent des noms, des repères et des chiffres. Elles permettent de se repérer parmi les courants et les rochers (écueils souvent cachés sous l'eau à marée haute). Elles sont dessinées en 4 couleurs : bistre ou jaune-brun (la terre), vert (l'estran), bleu (profondeurs de moins de 10 m), blanc pour les profondeurs plus importantes. Les chiffres sont calculés par rapport au 0 hydrographique (niveau le plus bas de la mer), le coéf. est de 120. Chaque année, Le Shom édite près de 1 000 cartes marines et 500 cartes numériques (ENC). 

Comment se forme une vague :

Comme expliqué plus haut, l'attraction exercée par la lune crée une vague qui se déplace, dont la puissance est déterminée par les positions de la lune et du soleil. L'influence du soleil renforce l'amplitude de la marée ou la diminue (flux et reflux). Mais en Bretagne, le ressac freine sa progression, en modifie la force, ou incurve son cours. La vague peut alors être ralentie, ou accélérée, selon la profondeur de l'eau et l'aspect du littoral. Des usines marémotrices fabriquent de l'électricité grâce à la force des marées. Les barrages permettent de réduire les effets des crues, limitent le niveau d'eau dans l'estuaire, et "adoucissent" les effets de la Houle.

Sur les côtes bretonnes reculées, la traversée d'une bande de sable à marée basse est quelquefois le passage obligé. C'est principalement le cas en Finistère ou en Côte d'Armor. Mais gare au touriste qui ne s'est pas renseigné d'abord à l'office de tourisme le plus proche : les marées peuvent être capricieuses, et le climat souvent changeant, donc imprévisible.