Cancale : l'elixir des rois

"Quand un objet irritant passe à l’intérieur de la coquille, l’animal réagit en entourant l’objet d’une couche de carbonate de calcium sous la forme d’aragonite ou de calcite. Ce mélange est appelé nacre. "

La perle n'est pas toujours là où on la cherche... 

Ainsi se forment traditionnellement les perles trouvées dans les huîtres. Si elles sont assez rares en Bretagne, l'huître, par contre, a de quoi remplir les plateaux des repas de fêtes. Et c'était déjà le cas, au VIe siècle : quand ils n'étaient pas en train de chasser nos ancêtres gaulois, les romains allaient à la pêche ramasser des huîtres dont ils étaient friands. Elles étaient encore plus présentes plus tard à la table des rois et reines des France. Et aujourd'hui, l'huître est un produit de luxe riche en fer et hautement apprécié. Si la perle ne se trouve pas dans les huîtres, cette dernière est bien la perle de la Bretagne. Sous Louis XIVe, Colbert offrait aux veuves ayant perdu leur époux en mer des parcs à huîtres en dédommagement de leur peine. Il est d'ailleurs possible que les fossiles d'huîtres encore incrustées sur les rochers attestent d'une existence encore plus ancienne. Seulement voilà, la pêche à pied à atteint ses limites lorsque les hommes ont compris que si la générosité de dame nature atteignait des sommets, l'avidité humaine, en clair la surconsommation, mettait un frein à la reproduction. L'huître plate devenait de plus en plus rare. Le seul moyen était d'aller les chercher ailleurs. C'est ainsi que furent importées du Japon et du Portugal de nouvelles variétés d'huîtres, creuses, celles-ci... qui ne produisaient sans doute pas plus de perles, mais qui comblaient un vide au XVIIIe siècle en période de pénurie d'origine guerrière. On raconte même que, lorsque Dame coquille Saint-Jacques toute de corail vêtue, fit à dame huître une concurrence sérieuse, Louis XIV préférait s'offrir des huîtres au petit-déjeuner ! c'est dire combien il les appréciait! Il interdit même la pêche à pied entre le 1er avril au 31 octobre pour donner le temps aux mollusques de se reproduire. Cette pratique a été adoptée et réadaptée en Bretagne. 

Quand les rivières se jettent dans la mer, elles apportent avec elles quantité de minéraux et autres substances nutritives qui enrichissent ses eaux et fournissent aux coquillages un environnement favorable à leur développement. C'est ainsi qu'à Cancale, au XIXe siècle, la population vit fleurir des "champs de cailloux sur la mer". L'huître est généreuse et engendre l'idée de créer, sur le modèle des salines de Guérande", des parcs à huîtres qui fournissent aussi du travail à la population. Grande idée! Les Cancalais vont trouver leur vocation dans la pratique de l'élevage, de la récolte, et enfin de la vente. Cancale devient la capitale de l'huître, mais encore faut-il pouvoir renflouer régulièrement les parcs. Pour se faire, est créé sous Napoléon III un premier système de collecteur. Il s'agit d'une sorte de plancher en bois destinée à servir de support aux naissains d’huîtres. Un siècle plus tard, on aménage des bateaux de pêche dont l'un, la Bisquine, petit voilier traditionnel cancalais qui remplit à merveille la tâche de draguer les mollusques à l'aide de filets réalisés par les pêcheurs. Les bans d'huîtres ainsi renouvelés, l'activité est lancée. 

Tous pour un ...   

A l'époque où Cancale n'existe pas encore, deux villages se font face: les bourgs de la Houle et de saint Méen possèdent chacun leurs propres parcs à huîtres. Les habitants décident alors d'unir leurs efforts et un pont est construit pour relier les deux villages et faciliter l'accès aux parcs et aux ports. Le nouveau village ainsi formé se voit attribuer le nom de Cancavena (du breton Konk : port, abri, et Aven : rivière), puis Cancanna et enfin Cancale qui va trouver sa vocation dans l'ostréiculture... autant dire une mine d'or... ou plutôt de nacre! Voilà de quoi attirer du monde et développer rapidement l'activité portuaire jusqu'à Saint-Malo et même en Côte d'Armor. A Cancale, s'éveille alors un esprit de communauté et de solidarité entre les professionnels de la mer et du commerce, depuis les simples pêcheurs jusqu'aux armateurs en passant par les acteurs de la recherche scientifique, pour garantir les techniques d'élevage et la sécurité du transport tout en gardant à l'esprit la protection de l'environnement. Si Douarnenez a ses " Penn-Sardins" (voir l'article : " pêcheurs et Penn-Sardins" ), Cancale a ses " Penn-Nakr" , c'est du moins le nom qui aurait pu mettre en valeur le travail des courageuses femmes cancalaises qui, dés l'arrivée des navires et quelque soit les conditions climatiques, se mettaient à l'ouvrage pour trier les huîtres et les vendre sur le marché avec animation et dégustation à la clé. Ainsi, s'il vous prend l'envie, un jour, de traiter quelqu'un de " tête d'huître" vous savez maintenant que ce serait plutôt un compliment... la nacre et ses jolies couleurs pastelles étant une matière fort recherchée... hehe!  

Dans les années 60, est créé une coopérative conchylicole qui permet à la ville de s'étendre et d'accroître sa réputation, mais aussi de faire face aux frais de carburant des bateaux et se fournir en matériel de pointe...une belle avancée pour l'époque! Dans le même esprit, naîtra 30 ans plus tard la confrérie des Hîtes de Cancale dont l'objectif est de promouvoir la ville et son activité ostréïcole aux couleurs chaudes de la mer d'Emeraude. Des comités régionaux de  Conchyliculture leurs prêteront main-forte. Ensemble, il vont : 

*Informer et recommander des méthodes de production et d'exploitation quitte à réveiller quelques bonnes vieilles méthode ancestrales 

* adapter l'offre à la demande en fonction du marché en cours

* réaliser des actions promotionnelles sur les produits 

* encourager l'action collective 

* gérer l'exploitation des parcs et bassins

* veiller à l'entretien du matériel et aux conditions de salubrité des lieux

* encourager les formations quand à l'hygiène, l'aménagement du territoire, la gestion de l’eau, la lutte contre les pesticides, etc.) 

* informer la population 

En l'an 2000, le SNEC (syndicat national des employeurs de conchéïculture) s'active à protéger et défendre les droits des travailleurs. 

Comment se reproduit une huître : 

Les oeufs des huîtres creuses devenues des larves vont se développer en fonction des courants marins contrairement à ceux de l'huître plate dont le processus se passe directement dans la coquille. C'est alors que va apparaitre une "mini" coquille et un voile (vélum) leur permettant de nager et trouver leur nourriture. Le naissain ainsi formé cherchera à accrocher son "pied" sur un support rocheux grâce une substance dont elle seule a le secret. Plus tard, le pied et le vélum laisse place à des branchies. 

L'élevage : 

Une fois pêchés, les naissains sont placés soit à même le sable, soit dans des collecteurs placés sur des tables de fer à environ un mètre au dessus de l'eau de mer. A l'aide d'une herse ou d'une fourche, il est nécessaire de les décoller de temps en temps à marée basse,  afin qu'elles ne se gorgent pas de vase (si elles sont au sol), et pour leur donner une bonne oxygénation. Ils vont ainsi rester 12 à 18 mois pendant lesquels ils vont grossir. Si l'élevage se passe en hauteur, les naissains seront disposés dans des poches en mailles serrées à raison de 500 pièces par poche, ceci avant que n'arrive le printemps. Une autre section est prévue en automne. A la fin de cette période, une nouvelle étape commence : les naissains vont continuer à se développer cette fois ci dans les parcs, dans de nouvelles poches à mailles plus larges permettant à l'eau de mer de circuler, et aux naissains, de bénéficier de phytoplancton et sels minéraux nécessaires à leur alimentation. Tous les trois mois environ, les poches sont retournées afin de donner aux huîtres leur forme définitive. Tout ce processus dure environ trois ans. 

La récolte : 

Une fois détachées de leur support, les huîtres adultes sont triées par tailles, pesées, fin prêtes pour la phase suivante: 

L'affinage :  

1° Les huîtres sont ramenées progressivement sur l'estran, de façon à allonger les périodes d’émersion et les habituer à garder leur coquille fermée pour mieux garder leur eau.

2° Suivra une nouvelle période de 18 mois sur les parcs de réserve qui va favoriser le durcissement de la coquille

3° Lorsque les mollusques sont bien fermes, il s'agit maintenant de remettre les huîtres en pleine mer dans des bassins peu profonds (les claires) dans lesquels les huîtres verdissent et prennent de la saveur. "L'iode a tendance à se réduire et l'huître devient alors moins "agressive" dans la bouche. On obtient ainsi une "fine de claire" précise un éleveur. 

4° Dans un nouveau bassin contenant de la saumure, les huîtres seront nettoyées et purifiées, libérant la vase, le sable ou les parasites (vers, bactéries, algues vertes etc.) qu'elles auraient pu ingérer. C'est le dégorgement. 

Il ne reste plus qu'à les disposer dans les jolis petits paniers d'osier qui ne manqueront pas d'attirer les visiteurs friands de nos bons produits du terroirs. 

Espèce menacée :

Comme partout, le réchauffement climatique est une menace pour l'espèce, favorisant la prolifération des virus et diminuant la production de plancton dont se nourrissent les huîtres. De plus en plus de mollusques sont victimes de stérilité empêchant la reproduction.  L'Ifrémer continue ses recherches en matière d'innovation et joue un rôle de médiateur entre les services de l'état et les collectivités maritimes. 

Que voir, que faire à Cancale ? 

A l'instar de Saint-Malo ou Paimpol, Cancale est une ancienne ville corsaire qui vit de son passé de terra-novas. Capitale des huîtres de Belons... mais pas que... elle est fière de posséder 90% de la production d'huîtres plates de Bretagne. Périodiquement, des régates de Bisquines défient le grand vent, la lumière, et les marées.  

* Le port de la Houle : bordé de maisons de granit, c'est le cœur de la ville, un quartier pittoresque qui vous projette directement au-dessus de la mer d'Émeraude (bien verte en certaines périodes). C'est une invitation à respirer à pleins poumons sur les deux jetées en longeant le front de mer. Enfin, c'est l'un des lieux qui dévoile tous ses trésors à marée basse : plein phare sur les parcs à huîtres ! Et un phare, il y en a un ! 

* Petites ruelles et vieux quartiers : en s'éloignant du port, et en remontant vers la ville, les anciennes petites maisons mitoyennes rappelle une époque ou chaque quartier avec ses propres traditions et son feu de la saint Jean. Ici, chaque pierre possède sa propre histoire et ses souvenirs d'antan. Il fait bon se perdre dans les ruelles coupées d'escaliers qui découvrent des niches blanchies à la chaux où veillent encore quelques statues de la vierge invoquée par les pêcheurs avant le grand départ. Le 15 août a lieu la cérémonie ancestrale des reposoirs : lorsque les hommes sont partis en mer, les femmes restées à terre chantent au même moment que leur époux un chant ancien. Pour l'occasion, des offrandes sont disposées auprès de la statue de la vierge : fleurs, fruits, maquettes de bateaux, etc. Depuis les hauteur cancalaises, le ciel dégagé offre une vue magnifique sur la baie du mont Saint-Michel. 

* Les parcs à huîtres : s'étendent sur 10 kms depuis le Rocher de Cancale jusqu'à Saint-Benoit des Ondes. 

- La ferme Marine de Cancale : ces ateliers vous font découvrir le monde de l'ostréïculture avec un guide et des vidéos explicatives. L'endroit possède aussi son propre musée de coquillages et vous aurez le droit, bien sûr, à la dégustation en fin de visite... peut-être est-ce une façon discrète de se faire pardonner car on ne propose pas l'accès aux parcs à huîtres.

- Ostréïka : pour une ballade mémorable au milieu des parcs à huîtres. Ici vous serez entourés de professionnels passionnés qui vous dévoileront les secrets d'un réel savoir faire et de son histoire. Location de bottes possible et dégustation. 

- Le marché aux huîtres sur le port : tout le savoir-faire des professionnels de l'ostréiculture pour les plaisirs de votre palais. Inscrite au patrimoine culturel immatériel de France, Cancale est aussi élue " site remarquable du goût". Pour une dégustation sur place, ou pour vos achats, les vendeurs, tous ostréiculteurs répondront à toutes vos questions. 

* La pointe du Groin : jolie balade à faire sur le GR depuis le nord de la ville jusqu'au phare de la Pierre-de-Herpin, en profitant par temps dégagé d'une belle vue sur la baie du mont-Saint Michel. C'est aussi l'un des points de départ de la route du Rhum. Une grotte se trouve encore creusée dans la falaise servant probablement d'échappatoire à quelques oiseaux fugueurs de la réserve ornithologique qui anime le jardin botanique. 

* Le musée des arts et traditions populaires de Cancale : situé dans une église du 18e siècle, vous découvrez le Cancale d'autrefois et apprendrez l'histoire des expéditions marines et de la pêche. Des costumes et du mobilier ancien complètent magnifiquement la visite : soit plus de 1000 objets ainsi que des expositions temporaires à thème.

* Les plages : Depuis la pointe du Groin jusqu'au port de la Houle, une bonne dizaine de plages vous invitent au farniente et à la baignade : la plage du verger et sa chapelle du même nom, Port-Mer, Du-Gesclin et d'autres encore. Profitez en pour voir le sémaphore de la pointe du groin et tous les petits ports de pêches qui jalonnent votre parcours.  

* Des îles : Ile des Rimains, Ile des landes, Ile Du Gesclin, sont autant de pythons rocheux qui ont gardé jusqu'à ce jour leurs fortifications. 

*L'église Saint-Méen : belle église du XIIIe siècle classée  "monument historique " . Remarquez ses jolis vitraux et son architecture romane. Ne manquez pas, pas sur la place, la très belle statue des laveuses d'huître en bronze dans un bassin à jets d'eau. 

* La halle à marées : cet ancien bâtiment a été recyclé et accueille désormais nombre d'artistes-peintres, sculpteurs, photographes d'art pour des expositions temporaires. 

Où dormir à Cancale : 

* La Maitairie du Vauhariot : chambres d'hôtes dans un manoir du XVIIIe siècle. Superbe vue sur la baie, face à la mer. Cuisine aménagée, terrasse, et piscine chauffée.

* Lagrange prestige les Hauts de la Houle : groupe de maisonnettes équipées, piscine semi-couverte chauffée avec bain à remous, sauna, hammam, Kitchnette intégrée. A proximité du port

* Hôtel Duguay-Trouin : belles chambres dans une maison de pêcheur décorée sur le thème de la mer, toutes équipées avec baignoires hydro-massantes. Belle vue sur le port 

* Breizh Café hôtel : hôtel style auberge japonaise, belles chambres zen, art culinaire raffiné, jolie vue sur le port, idéal pour la détente et le dépaysement, tout en profitant de votre séjour en Bretagne. 

Pas moins de huit terrains de campings jalonnent les plages 

Où manger à Cancale : 

*  Au pied de cheval : (cheval de mer ??? hehe!) Ne vous fiez pas au nom du restaurant, c'est un excellent restaurant de fruits de mer (d'après les touristes) tenu par une famille d'ostréïculteurs. Authenticité, convivialité, qualité des produits garantis. 

* Le Cap Chausey : bonne cuisine terre/mer dans un restaurant simple mais en bord de plage " presque les pieds dans l'eau! " bon accueil et terrasse détente pour un bon dépaysement à la Breizhoù! 

* La Houle : restaurant convivial de poissons/fruits de mer dans une maison à colombages. Accueil chaleureux et cuisine raffinée. Bon rapport qualité/prix

* C comme à la maison : ici c'est l'accueil qui est "comme à la maison". Il se dégage d'ailleurs une sensation d'intimité dans le restaurant comme au jardin. Les produits frais locaux et un bon rapports qualité/prix vous transporteront tout de même.