Ouessant : des chemins de légendes

Ouessant 9031 9 w500

A l'instar de la plupart des îles Bretonnes, Ouessant a gardé la trace d'un passé ponctué de croyances et de légendes qui ressurgissent à chaque pas, réveillées dans les pulsations lumineuses des quatres gardiens de l'île: Les phare du Créac'h, de la Jument, de Kéréon et de Nividic. Flash sur toutes ces pépites d'or qui constituent l'âme d'un bout de terre posé sur l'océan et forgent l'imaginaire. (les peintures sont de Mathurin Meheut, peintre breton)

Des héroīnes humaines, les femmes :

Du haut de ses 65 m de falaises sculptées et balayées par des vents qui peuvent atteindre près de 150 kms heure, l'île d'Ouessant, dernière étape avant l'Amérique au croisement de la Manche et de l'Atlantique, vit au jour le jour les caprices du climat et de la mer. Les femmes en faisaient chaque jour l'expérience: lorsque leurs maris partaient en mer... si toutefois ils en revenaient, c'était elles qui, par tous les temps,  géraient les cultures, la récolte du goémon, vendaient le poisson, défrichaient les sentiers. On raconte qu'à l'âge de fer, un coquillage, ancien objet de culte, symbolisait la féminité et la fertilité. Plus tard, à l'époque romaine, on rendait hommage à la déesse Céres, déesse de l'agriculture. C'est pourquoi Ouessant porte aussi le nom honorifique de l'île des femmes.  

En 1903, Rose Héré, Ouessantine, fille de marin-pêcheur, a plus de 40 ans lorsque le Vesper fait naufrage. Alors qu'elle allait chercher du goémon sur la grève, elle perçoit à travers la brume des éclats de voix venant de la mer. Sous les mugissements de la corne de brume du Creac'h, un navire dérive vers les écueils du Runiou. Elle tente d'avertir les matelots, mais seule et trop éloignée, ils ne l'entendent pas. Sautant de rocher en rocher, glissant sur les algues, elle tente de les guider, en vain. Alors se jetant dans l'eau glacée, elle saisit la corde pour accrocher l'ancre. Revenant près du barreur, elle dirige le bateau vers une "route" plus sure, à la plus grande stupéfaction des marins. Grâce à la jeune fille, le bateau aborde sans soucis la cale de Penn ar roc'h. Elle signale quand même au passage, qu'elle en a perdu ses sabots !!!" ... et le bois, à cette époque était rare! Le feu se faisait donc à partir des ajoncs qui servaient aussi de litière aux animaux. Le goémon était transporté dans des charrettes puis mit à sécher pour fertiliser la terre.       

 Ed740ebf26475f1736f70acf1142f9aa 1                                                                      

                                                                                                                                               

Des héros de pierres : les phares 

Le Créac'h :

Au pied du phare du Creac'h, le musée des Phares et Balises retrace l’histoire de la signalisation maritime avec ses machines, lentilles, maquettes, objets anciens et reconstitutions, et font revivre les grands moments de la navigation. Il fait l'éloge bien mérité de l'un des premiers héros de l'île : les phares qui ont su résister au temps, au vent, et à la rage quelquefois incommensurable de l'océan, avec pour seule mission de sauver des vies. 

Reconnaissable de loin avec ses bandes noires et blanches qui rappellent le drapeau breton, le phare du Creac'h (signifiant promontoire), est l'un des plus puissants au monde. Construit vers 1860, haut de 55m, 70 m au-dessus du niveau de la mer, il est classé monument historique en 2011. La nuit, vision idyllique de ses ses rayons tournant, dans le silence à peine troublé par les oiseaux nocturnes qui survolent l'horizon à l'abri des prédateurs. A quelques dizaines de mètres, le sémaphore abrite artistes et écrivains ainsi que le salon du livre local. 

Kereon :

Le troisième héros de notre île : le phare du Stiff, qui aurait explosé pendant la guerre si un déserteur n'avait pas alerté les gardiens que le phare était miné. Il fut alors  désamorcé. Le Stiff est le premier phare de l'île, construit en 1695 à la demande de Vauban, Mesurant 33 m de haut,  il est aujourd'hui automatisé après avoir fonctionné au charbon, puis au pétrole. Sa portée est d'environ 35 kms. A proximité, la tour du stiff, dispositif de surveillance, surveille le passage des cargos en sud-Finistère. Après le hameau du Stiff, on contourne le fort st-Michel. 

La jument :

De l'autre côté du fronveur, apparaît monté sur une roche dit " la hargneuse", le quatrième et dernier héros de l'île au large de Molène : le phare de Kereon, autrefois surnommé le " palace". Construit vers 1910, c'est un modèle de solidité et de sécurité. Un jour, un industriel nommé Amicie Lebaudy offrit plus de 600 000 francs pour sa construction, à condition qu'il honore le nom de son grand-père : Kereon. Allumé en 1916, son confort est unique : " lambris de chênes de Hongrie, cage d'escaliers en mosaïque, marqueteries d'ébène et d'acajou figurant une rose des vents, lits clos ouvragés, chauffé et régulièrement entretenu" . En un mot, l'un des fleurons de la mer d'Iroise. 

Nividic :

Au nord-ouest de l'île, la " villa des tempêtes" abritait une corne de brume tirée par des chevaux qui  fonctionnait avec un système à vapeur. Comme le phare de Nividic était démuni de gardien, elle avait pour mission de signaler aux pêcheurs les dangers des écueils rocheux de la pointe de Pern. Afin d' entretenir la lanterne du phare, les hommes survolaient terre et mer dans une nacelle. Depuis 1996, le phare fonctionne à l'énergie solaire. 

Maxresdefault 3                                                                                                

Des marais et des oiseaux éternels :

Dominant le marais de Kun où viennent toujours aujourd'hui s'ébattre canards, hérons et autres sarcelles, cet endroit charmant servit de décors à l'histoire de Pipi Menou et les femmes cygnes: Pipi Minou avait pris l'habitude d'observer les femmes cygnes se baigner en laissant sur la berge leur manteau de plume. Un jour, tombant amoureux de l'une d'elles, il déroba le précieux manteau de plumes, et lui fit promettre de l'épouser en échange du fameux manteau... Quelques kms plus bas, c'est dans le hameau de Locqueltas que sévit une fois encore st Gweltas, mécontent de voir ce pêcheur fainéant prendre les pierres de la chapelle pour abriter son canot; celui fut punit et revint bredouille de sa pêche quotidienne jusqu'à ce que le pêcheur ramène les pierres. La pêche repris alors de plus belle. St Gweltas avait pardonné. D'autres légendes nous apprennent que St Gweltas pouvait aussi se montrer reconnaissant : ainsi, pour remercier un couple âgé et encore très amoureux de l'avoir recueilli dans leur demeure un soir d'orage, il leur promit de réaliser leur voeu : mourir ensemble le même jour... 

Au sud-ouest de l'île, l'étang de Korz est le refuge des oiseaux migrateurs à l'abri du vent et des arbres. Un peu partout dans l'île, la mer à façonné non seulement les paysages, mais aussi, le mode de vie et les croyances.  Ainsi, les fontaines et lavoirs n'ont pas fait que recueillir l'eau de la source, elles avaient aussi la réputation d'être sacrées, voir miraculeuses comme souvent en Bretagne, après le passage et l'oeuvre d'un dieu ou d'un saint local. C'est le cas de la fontaine st Velen : " Bénénos était, selon l'histoire, le dieu du feu et de la lumière. Il avait le pouvoir de créer une alliance entre l'eau et le feu. Il était aussi médecin. Lors des fêtes de mai, célébrées par les celtes, il faisait passer le bétail au-dessus de grands feux de joie pour leur éviter la maladie. De même, l'eau des fontaines issues de la source était, pensait-on, propices à la santé et à la fertilité, favorisant donc aussi les naissances. Près de la grève du Prat, se trouvent d'autres lavoirs et fontaines se fondant dans un paysage naturel des plus charmants.

C'est aussi dans cette partie de l'île riche en champs d'algues, que l'on récolte le harpon de Neptune, algue rouge aux propriétés bactéricides et fongicides qui a donné lieu à un laboratoire de cosmétiques. En redescendant vers l'anse de Pors Goret, un deuxième phare apparaît, celui de la jument qui n'a pas échappé aux croyances et porte le symbole de la féminité et de l'élégance d'où son nom de "jument". Ce lieu ayant connu un grand nombre de naufrages, il s'avéra nécessaire de construire " Ar Gazek koz (la vieille jument) qui offrait une meilleure signalisation maritime en ces lieux si redoutés. Construit en peu de temps sur une roche de qualité médiocre, il dût être consolidé par des câbles. Il paraîtrait d'ailleurs que l'un d'eux ait rompu sous les asseaux du vent et de l'océan, on dit alors qu'il vibre et chante par gros temps... Il est aujourd'hui automatisé. Comme à la pointe du raz, tous ces lieux sont ponctuées de lande et de rochers qui bordent les sentiers de randonnée dans une féerie de couleurs et de senteurs marines et florales. Par fortes tempêtes, des roches ont été soulevées par la houle et projetées en hauteur, servant aujourd'hui de refuge au petit peuple de la mer bien à l'abri sous des guirlandes de goémon. Les cris des oiseaux marins glissant sur les vagues achève cette symphonie vivante dont la Bretagne a le secret.

Cache 15050249 1                                                                                                              

Sur les pas des croyances anciennes... dans la lumière des phares

Des héros de légendes: 

Sur La pointe de Pern et Saint-Gildas:

Dans le ronflement des vagues rugissantes, les rochers aux formes animales et quelques peu fantastiques nourrissent l'imagination des habitants. On dit même que les pierres peuvent prendre vie...Au XVIIIe siècle, la pointe de Pern aurait été le siège d'un culte pratiqué par des druidesses qui prédisaient les orages, vendaient le vent aux navigateurs et entretenaient le feu sacré. Les anciennes religions Celtes y étaient pratiquées. On raconte q'un jour, St Gweltas les vit et les transforma en pierres que l'on peut voir encore aujourd'hui. Une autre histoire nous apprends que chaque dimanche, les cloches du villags appelaient les fidèles à la messe, mais que trois jeunes filles, que la baignade attirait plus que les sermons du prêtre, furent un jour emportées par des chevaux noirs surgissant de la mer. Depuis ce jour, le village de Pern aurait été abandonné. La vie des îles, de Bretagne où d'ailleurs, a souvent donné vie à nombres de personnages mythiques de légendes, gardiens du passé, et souvent emprunts de sagesse.  

A Penn ar Roc'h:

Les eaux turquoises de la pointe de Penn ar Roc'h semblent faire un instant oublier que, en remontant le Fromveur dans la baie de Lampaul,  le courant s'inverse toutes les 6 heures, ce qui en fait l'un des endroits les plus dangereux au monde. Lorsque le vent et le courant sont contraires, les vagues se creusent et le passage est difficile. Ce n'est que depuis 2011 que les ferrys sont autorisés en emprunter ce passage. 

A Keranchas :

Au nord de l'île, le hameau de Keranchas domine la mer. Abrités par les Gwaskedoù, petits murets de pierre en forme de flèche, paissent des moutons. Mais il arrivait aussi, que, au temps anciens, les Viltansou rodent... les Villetansou, autres personnages de légendes, étaient des nains qui, comme les korrigans, dansaient la nuit et entraînaient le passant dans leur ronde jusqu'à épuisement, mais ce dernier avait son voeu exaucé si il tenait ainsi jusqu'au petit matin. Au nord, l'île Keller avait son diable rouge, mais pour une fois, celui-ci se révélait utile... on raconte que l'âme d'un pêcheur en attente de purgatoire parcourait la lande à grandes enjambées. Vêtu d'un habit rouge, il portait une lanterne. Sa simple présence était présage de tempête. Les habitants protégeaient alors tout ce qui pouvait être emporté par le vent, les marins rentraient au port et les toiles des moulins étaient enlevées et mises à l'abri. (peinture Marie Antoinette Amennecier) 

Dans la baie de Bénichou :

En longeant la baie de béninou vers Cadoran, proche du fort de Kernic, des moutons bicolores ont été accueillis suite au naufrage du Mykonos qui les transportait. Outre les bêlements, si vous écoutez bien, vous percevrez peut-être le son du " taboulin" (tambourin), causé par le bruit du ressac dans des grottes creusées par l'érosion : les bouges, accessibles par bateau... et il parait même que les bouges des quatre coins de l'île communiquent entre-elles...  on dit même que des géants auraient joué aux quilles avec les rochers... mais il semble que seuls les humains s'en soient inquiétés, les oiseaux migrateurs n'en ont cure et se sont approprié l'endroit. Avec un peu de chance, on peut même apercevoir des phoques. 

A Porz Guwenn :

En février, chaque mercredi, au sud-ouest de l'île, le village de Porz Gwenn accueille la foire aux moutons qui restent en pâture pendant 3 mois, une occasion pour les propriétaires de se retrouver dans une atmosphère conviviale, buvette et crêpes garanties au profit des écoles. A cette même période, la fête des lumières  rappelle les anciennes processions celtiques en l'honneur de Birgit, la déesse de la fertilité. Elle serait aussi à l'origine de la fête de la chandeleur qui en rappelle les chandelles, D'ailleurs, la forme ronde des crêpes ne rappelle-t'elle pas celle du soleil, symbole de prospérité ? C'est le début des semences, et souvent en février, les moutons mettent bas,  un nouveau départ pour tous. Comme beaucoup de villages côtiers bretons, Porz-Gwenn doit beaucoup aux communautés de femmes qui géraient elles-mêmes les travaux d'agriculture et l'éducation des enfants, en l'absence d'un époux parti en mer. Côté légendes, c'était aussi le territoire des Morgan, ces petits hommes qui vivaient sous la mer ou parcouraient la lande. Toute personne qui en rencontrait devait garder les yeux ouverts sans cligner, faute de quoi il disparaissait. Certains offraient aussi des trésors ou se plaisaient à aider les gens. On raconte qu'un jour, l'un d'eux garda l'enfant Jésus tandis que sa mère allait remplir son seau au puits. Pour le remercier, elle lui exauça un voeu.  Il semblerait même que la vierge Marie était bretonne... 

A Penn Arlan :

Autre vestige de la civilisation Celte, le Cromlech cercle mégalithique de Penn Arlan est un alignement de menhirs en forme d'oeuf. D'après les archéologues,  ce cercle avait une vocation astronomique.  

57165 1

L'éco-musée : 

Plus à l'est, dans le parc régional d'Armorique, l'écomusée Niou nous plonge dans le passé pour nous faire découvrir l'organisation et la vie quotidienne sur l'île d'Ouessant jusqu'au 20e siècle, à travers des objets usuels, costumes, mobilier, reconstitution d'habitat traditionnel, et les incontournables petites histoires d'antan. L'une des deux maisons fut malheureusement détruite par un incendie. Autre vestige du passé, les moulins de Keraes et de Sun glas: seuls survivants de la centaine de moulins à grain ayant existé sur l'île au début du 20e siècle, du temps où un décret de 1852 interdisait aux bateaux de pêche d'apporter de la nourriture sur l'île : l'orge et le blé remplaçaient alors les légumes.

Unnamed 18 1 1                                             

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire