Pêcheurs et Pen-sardines : des mains pour la vie

Un pêcheur n'est jamais seul avec la mer :                                                             
                                                                                           

Le regard franc pour avoir si souvent scruté l'océan, visage basané par les vents du large et un soleil parfois ardent, ils se connaissent tous. Ils se sont croisés dans un bar, sur un bateau rentrant au port, près d'un sémaphore, au foyer du marin autour d'un verre pour arroser la pêche du jour, du moins pour les chanceux. 

"C’est à Douarnenez qu’on pêche la sardine. Par mille et par milliers, on les porte à l’usine…par tous les temps, bravant l’orage, nos marins affrontent la mer, dans leur dundee ou leur pinasse, fiers de leur grande liberté. " Depuis 1936, ce chant est devenu l'hymne de Douarnenez (Finistère sud). En temps de pénurie, comme c'était le cas à l'époque, l'océan était mission. 

Un pêcheur pouvait être engagé dés l'âge de 18 ans. Pour être inscrits sur les registres maritimes, il fallait avoir navigué pendant un an sur une longue distance, puis être appelés sous les drapeaux pour être rémunéré à hauteur de 700 francs si l'année était bonne. Sinon, il fallait vivre à crédit et attendre la prochaine année de pêche en priant Saint-Bustan, le Saint Patron des pêcheurs, tristement assis sur un rocher. Après 50 ans, on ne touchait qu'un demi-salaire : 300 francs. " 

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Pendant que les femmes, sur le quai, ravaudaient les filets, les chanceux qui pouvaient s'offrir leur propre bateau rejoignaient leur " coin privilégié" de pêche, mieux valait éviter de s'approprier le territoire du collègue... La pauvreté, additionné à quelques verres de lambic (eau de vie locale) pouvant conduire à des actes de violence. Aussi, en Finistère, la pêche à la sardine était de rigueur, le matériel moins coûteux, donc plus abordable. Depuis, une véritable industrie a vu le jour, de la pêche à la mise en boite, en passant par la préparation minutieuse des Pen-sardines, surnom donné au femmes travaillant à l'usine. " (lit. Tête de poisson). 

" En juin, se souvient Erwan, pêcheur retraité, des bancs de sardines arrivaient sur les côtes bretonnes. Il fallait environ un mois pour monter les mailles d'un filet, mais ils étaient solides et dotés d'une bonne élasticité contrairement aux filets mécaniques dont les mailles ne se resserrent pas sous l'effort des poissons. Une fois les voiles rabaissées, le mât enlevé (s'il s'agissait d'une barque), on avançait à la rame. Nous utilisions de grands filets flottants, ou encore des sennes (filets posés verticalement dans le but de piéger le poisson). Un tonneau contenait les appâts avec de l'eau de mer: La rogue (intestins de morue salée) et la gueldre (crevette embryonnaire pilée recueillie dans les marais salants). Habitués dés l'enfance à la forte odeur de ces appâts, on plongeait la main pour en prendre une poignée et la jeter à la mer, des deux côtés du filet. Au bout d'un moment, si la chance était là, l'eau devenait graisseuse et blanche, de fines écailles apparaissaient, trahissant la présence du précieux poisson. Le filet était alors saisi horizontalement pendant que d'autres hommes dégageait le poisson pris dans le filet. Pendant ce temps, un nouveau filet était émergé. Les sardines rejoignaient alors la soute du bateau. D'après la taille des poissons, on adaptait la grosseur des mailles. La seine était hissée lorsque la ligne de flotteurs s'enfonçait sous le poids d'environ 3000 poissons. Il fallait néanmoins rentrer avant le coucher du soleil afin que les sardines puissent être salées et préparées le jour même. Le lendemain, il aurait fallu les jeter. "

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Avec le temps, le développement de la pêche industrielle condamne des milliers de familles vivant de la pêche artisanale. Le cabotage breton est en voie de disparition, la vente du poisson et des crustacés est menacée par la surproduction étrangère. De plus, l'apparition du bateau à moteur engendre des marins en surnombre, dont le salaire est dérisoire. Les fils de marins se désintéressent alors de la profession... et partent vivre, gorgés d'espérance, en d'autres contrées. 

 Il y a là un sérieux avertissement pour l'avenir. " L'industrialisation à outrance sacrifie tout au rendement, au détriment du bien moral et matériel des individus et de la famille " Archives de Bretagne, 1932. Mais les Bretons ne s'avouent pas vaincus et travaillent en commun pour redonner à leurs industries la prospérité qu'elles méritent. "Tant que la solidarité perdurera, la marine bretonne aura encore de beaux jours devant elle. Le droit à la vie, à l'authentique, le droit de rester nous-mêmes et de ne pas mourir."  Ces  paroles fières et déterminées ont toujours motivé nos ancêtres. Certes il faut s'adapter au temps, mais que deviendrait la Bretagne sans son âme? 

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Aujourd'hui, les industries sardinières sont toujours en action, revenons un moment à Douarnenez où nos sardines viennent d'être débarquées et immédiatement emmenées par les femmes à l'usine : " D'abord, nous apprend Lennaïg, il faut s'occuper de l'étêtage : Nous nous asseyons autour d'une longue table, sur laquelle on enlève d'un coup la tête et les entrailles des poissons, soit avec l'ongle, soit à l'aide d'un petit couteau. Elles doivent alors être nettoyées. On enlève le sel posé par les pêcheurs pour assurer la conservation, on les fait ensuite sécher sur des grils. Pendant ce temps, d'autres ouvrières font bouillir de l'huile dans des grands bassins cuivrés dans lesquels seront plongées les sardines pendant une ou deux minutes. Une fois égouttées, on les sèche au soleil, ou le cas échéant, dans une étuve. "

Vient alors le moment de la mise en boite: les sardines sont disposées par 4 ou plus dans des boites en fer-blanc dans lesquelles on aura versé de l'huile d'olive. Les boîtes sont alors soudées à l'aide d'un fer chauffé à blanc, et hermétiquement fermées. 

Et Lennaïg, de préciser : " Afin que les sardines se conservent, nous plongeons les boîtes dans l'eau bouillante (pour enlever les germes nocifs) après avoir percé un petit trou, afin que la vapeur ne les fasse pas éclater. Une fois sorties, le trou sera ensuite bouché avec une goutte d'étain. La Bretagne compte aujourd'hui une quarantaine de sardineries.  

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Les premières ouvrières des conserveries de Douarnenez devant adapter leur tenue à leur travail portaient une coiffe simple qui s’attachait facilement tout en protégeant et en maintenant les cheveux en chignon. Moquées par leur " copines" bigoudènes à la haute coiffe, nos ouvrières se virent attribuer le nom de Penn sardines« tête de sardine» ! Mais comme nous l'avons déjà évoqué, il en faut plus que cela aux Bretons pour perdre la face! aussi, ce surnom devint vite une fierté pour les travailleuses. « Penn sardine», est d'ailleurs revendiqué par l'ensemble des habitants de la ville, s'il vous plait!!! 

L'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) basé à Brest et les pêcheurs de Bretagne allient leur savoir et expérience de la mer pour contribuer à la protection de l'environnement. (éviter les échouages de dauphins sur les zones de pêches, lutter contre le réchauffement climatique, lutter contre la souillure et la pollution marine... ). Toujours à Brest, le centre Océanopolis et ses 40 aquariums vise à faire connaitre la faune et la flore océanique, et à protéger des espèces en voie de disparition. La pêche et la science ont donc des intérêts communs: un environnement sain entraînant une pêche reproductive de qualité, et donc la protection pour tous les êtres vivants. Tout le monde y gagne! 

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Iroise la sirène de St Mathier, légende du Finistère.  

Tout au bout du pays breton, là où les rochers pointus et saillants sont  rongées par des vagues énormes et écumantes, vivaient des êtres fantastiques en harmonie avec les oiseaux de mer, les poissons et les dauphins. Une sirène se prénommait Iroise. Un jour, après avoir ravi les reliques saintes de Mathieu, des Pêcheurs bretons avaient affronté une très forte tempête. Soudain, ils entendirent le chant d’une sirène mais, méfiant, ils continuèrent leur route. Le chant accompagnait les rafales du vent. C’était le chant d’Iroise, la sirène de la proue du continent qui voulait avertir les marchands depuis la pointe de Pen Ar Bed.

Les marins ne pouvaient rien faire d'autre que prier les saints, mais fermant les yeux de terreur, ils ne virent pas les rochers tranchants... et heurtèrent le récif. Iroise avait assisté à la scène. Avait-elle prié, elle aussi? Toujours est il que la tempête se calma, et qu'un bateau leur permis de regagner la côte, sains et saufs. A cet endroit ils construisirent une abbaye pour y vénérer les reliques de Saint Mathieu qui avait la réputation de protéger les hommes et d'apporter santé et prospérité. Depuis ce jour, on dit que chaque année, le même jour, une tempête frappe la côte Bretonne. 

* La pointe St Mathieu est un haut lieu de la Bretagne sauvage, avec ses chemins de randonnées longeant la mer, ses falaises balayées par les vents, ses phares et son sémaphore, ainsi que les ruines de l'abbaye. Comme vous le voyez, chaque légende contient sa part de vérité. Et il n'est pas de lieu breton, village, rocher ou forêt qui n'aie sa... ou ses propres légendes. 

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Principaux ports sardiniers en Bretagne :

* Douarnenez,  ses épiceries (avec dégustation) et sa conserverie

* Saint Guénolé et le musée de la sardine (dégustation aussi!) 

* Belle île en mer et sa succulente salade Belle-iloise (salade de pommes de terre et sardines fraîches marinées), je vous la recommande !!! 

* Concarneau, Quiberon, Camaret, Penmach... 

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